Julie, ou la nouvelle Héloïse [1761]


Introduction

The excerpt below is taken from the very first letter of Julie, ou la nouvelle Héloïse, published in 1761, by Jean-Jacques Rousseau.

Translation

Shall I tell you directly? In these games which the idleness of the evening engenders, you indulge in cruel familiarities in front of everyone; you have no more reserve with me than with another. Yesterday even, as a penance, you nearly let me take a kiss: you resisted weakly. Fortunately I was careful not to persist. I sensed from my growing confusion that I was going to lose myself, and I stopped. Ah! if at least I had been able to savor it as I pleased, that kiss would have been my last sigh, and I would have died the happiest of men!

Please, let us quit these games which can have disastrous consequences. No, there is none without danger, even the most childish of all. I always tremble to meet your hand in them, and I don't know how it happens that I always meet it. No sooner does it land on mine than a shudder seizes me; the game gives me fever, or rather delirium: I no longer see, I no longer feel anything; and, in this moment of alienation, what to say, what to do, where to hide, how to answer for my conduct?

Source Text

Vous le dirai-je sans détour ? Dans ces jeux que l'oisiveté de la soirée engendre, vous vous livrez devant tout le monde à des familiarités cruelles ; vous n'avez pas plus de réserve avec moi qu'avec un autre. Hier même, il s'en fallut peu que, par pénitence, vous ne me laissassiez prendre un baiser : vous résistâtes faiblement. Heureusement je n'eus garde de m'obstiner. Je sentis à mon trouble croissant que j'allais me perdre, et je m'arrêtai. Ah ! si du moins je l'eusse pu savourer à mon gré, ce baiser eût été mon dernier soupir, et je serais mort le plus heureux des hommes !

De grâce, quittons ces jeux qui peuvent avoir des suites funestes. Non, il n'y en a pas un qui n'ait son danger, jusqu'au plus puéril de tous. Je tremble toujours d'y rencontrer votre main, et je ne sais comment il arrive que je la rencontre toujours. A peine se pose-t-elle sur la mienne, qu'un tressaillement me saisit ; le jeu me donne la fièvre, ou plutôt le délire : je ne vois, je ne sens plus rien ; et, dans ce moment d'aliénation, que dire, que faire, où me cacher, comment répondre de moi ?


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